Sophrologie et Prévention

Créée par le Professeur A. Caycedo, neuropsychiatre, la sophrologie est, selon la première définition donnée en 1960, « l’étude de la conscience en harmonie », et sa devise : « ut conscientia noscatur » : pour que la conscience soit connue.

La prévention fait référence à la capacité à préserver la santé. Elle s’appuie sur la connaissance des mécanismes inducteurs de pathologie et ceux inverses, conservateurs d’un état de santé établi ou récupérateurs d’un état de santé altéré, et ceci de façon plus ou moins complète, avec comme autre possibilité : prévenir l’aggravation.

La santé, selon l’OMS, est « un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

Ceci suppose la question essentielle : « Qu’est-ce que le bien-être ? » Une idée, une théorie, un senti, un ressenti, un vécu physique, émotionnel, psychique ?

Historiquement, en Occident, et plus particulièrement en Grèce, fût un temps où la santé n’était pas l’œuvre de la préconisation de médication sous toutes les formes où elles ont pu être inventées par l’homme mais plutôt le résultat de la pratique des arts, de l’activité physique et de la méditation.

Scientifiquement, la santé fait référence à l’état d’homéostasie, état d’équilibre, de stabilité, dans lequel le corps se trouve à un moment donné et qui va ainsi s’associer à la sensation de bien-être et permettre une existence constructrice. Cet état est particulier, unique, original pour chaque individu. Il va se modifier naturellement tout au long de la vie, de façon commune pour chacun avec les processus de croissance : puberté, ménopause, andropause, vieillissement … Il va également se modifier avec les conditions environnementales (variations nycthémérales de la température et autres constantes biologiques, variations en fonction des conditions atmosphériques, climatiques …), de façon particulière par la survenue d’accident, de maladie, d’épreuves physiques ou psychologiques, d’abus alimentaires, d’excès de stress …

Les modifications s’inscrivent dans le corps biologique d’une façon plus ou moins réversible et récupérable. Le corps dans sa capacité intime, profonde, globale d’intelligence adaptative, va chercher à récupérer un nouvel état d’équilibre. Il va retrouver un nouvel état plus ou moins modifié par rapport à l’ancien. C’est ainsi que l’être humain dès sa naissance, voire même dès sa conception, navigue entre un état de santé, d’équilibre, d’homéostasie (variable individuellement dans ses caractéristiques), et un état de perturbation, de déséquilibre, de maladie. Il va alternativement vivre chacun de ces états, ainsi que le passage de l’un à l’autre.
Ce vécu est d’abord spontané, immédiat, réflexe « comme par la force des choses », il peut devenir l’objet d’un travail de prise de conscience, d’accompagnement de soi par soi avec le renforcement des capacités d’adaptation, le développement de capacités d’autorégulation, voire d’automédication, d’autoguérison, associées également aux capacités à consulter et à « se faire soigner » par les professionnels de la santé.

La sophrologie va proposer une visite méthodique de notre corps et de son vécu ainsi qu’une méthode d’entraînement corporalisé, ceci avec la présence à notre conscience des trois principes fondamentaux :

  • Le principe de réalité objective qui      découle de la pensée phénoménologique :

« Tout ce que je sais du monde, même par science, je le sais à partir d’une vue mienne ou d’une expérience au monde. Le réel est à décrire et non pas à construire ou à constituer » (Merleau Ponty).

Cette description s’associe à la suspension du jugement et de la rationalisation. Nous allons ainsi apprendre à vivre les choses d’abord telles qu’elles se présentent à notre conscience sans les juger ni les rationaliser ; ce n’est que secondairement que nous allons pouvoir nous projeter dans l’espace dans lequel nous évoluons comme sujets responsables du phénomène.

 

  • Le principe du schéma corporel comme réalité      vécue.

L’aire gnostique est située dans le cerveau dans une zone centrale au confluent des aires perceptrices. Le schéma corporel est ce qui permet de nous individualiser par rapport au monde extérieur, d’établir notre propre frontière corporelle, de distinguer ce qui se passe au dehors, de ce qui se passe au-dedans. La sophrologie va favoriser le renforcement de la conquête du corps par la conscience de l’homme. Il s’agit d’une conquête neurophysiologiquement et psychologiquement planifiée dans son harmonie.

 

  • Le principe d’action positive.

« Toute stimulation positive, si elle est continuelle, va déclencher une percussion sur les structures positives de l’être et entraîner une capitalisation des structures muettes au service du positif. » (PR Caycedo)

Cette dynamisation du positif peut s’exercer tour à tour sur les trois paramètres existentiels : passé, présent, futur, et ceci grâce à diverses techniques de sophronisation : sophromnésie positive, sophro renforcement du positif avec sophro présence immédiate, sophro acceptation progressive, relaxations dynamiques.

Envisager la prévention avec l’apport de la sophrologie va du fait même de renforcer la connaissance de ce qui se passe dans notre corps à s’entraîner avec les techniques mises au point par le PR Caycedo.

Le premier degré stimule la capacité de concentration et donc de prise de conscience de notre corps senti. Stimulé par des exercices de mise en mouvement et accompagné par le Terpnos Logos (parole du sophrologue qui guide la séance), la personne prend conscience du vécu de son propre corps, des sensations les plus agréables aux sensations moins agréables telles que tensions, douleurs. C’est ainsi que nous sommes amenés à prendre conscience de notre nature complexe, « bipolaire », rythmée. Oui, nous sommes ainsi faits que nous contactons, rythmés par la vie, bien-être et mal-être, tension et détente, froid et chaud, fourmillements et démangeaisons, douleur et non douleur, calme et énervement, tranquillité d’esprit et soucis, paix et colère, bien-être et fatigue …

Suspendant tout jugement et toute rationalisation, nous allons apprendre à nous accepter dans ces divers vécus qui sont les nôtres, qui font partie de notre vie. Nous allons apprendre à dédramatiser, à comprendre, à donner du sens, à renforcer la confiance en la vie et en notre corps, à dépasser certaines difficultés, à faire avec d’autres. Nous allons également nous entraîner à contacter la dimension positive dans ce que nous vivons, de celle spontanée, immédiate, évidente (tous les messages agréables), à celle spontanément désagréable dont il s’agira d’en décoder un message. Peut-être s’agit-il moins de cultiver le refus des peurs que d’en comprendre le sens, de s’enrichir du message qu’elles véhiculent (réaction naturelle lors d’une situation d’agression, signal d’alarme lors d’un danger potentiel). Nous allons apprendre que, si la colère que nous ressentons à un moment donné a une « bonne raison d’être », il peut devenir néfaste de l’entretenir. Nous allons pouvoir apprendre, non point à ressasser et s’enfermer dans les douleurs ô combien malheureusement associées au deuil, mais à laisser venir un apaisement naturel avec le temps. Il ne s’agit pas d’une attitude passive, de victime, mais d’une attitude active d’un être humain en quête de connaissance de la vie et de sa manifestation.

Le deuxième degré va nous proposer de vivre le regard de soi par soi. Après nous être entraînés à la conscience de notre corps senti, nous allons nous entraîner à la visualisation de nous-mêmes par nous-mêmes, passant ainsi du vécu intérieur du corps senti, au vécu du regard extérieur. Suspendant tout jugement et toute rationalisation, nous allons nous entraîner à nous regarder tels que nous sommes et à nous accepter également tels que nous sommes. Dans la deuxième partie du deuxième degré, nous revisitons notre vécu sensoriel (vision, audition, toucher, goût, odorat).

Le troisième degré nous initie à la méditation, telle une attitude intérieure face au monde extérieur. Apprendre à se centrer en soi-même et se vivre en conscience, présent(e) à la manifestation de la vie. Déjà entraîné(e) à la suspension du jugement et de la rationalisation (proposition de la phénoménologie), l’être se rassemble, se concentre en lui-même et fait ainsi l’expérience de l’Autonomie, … le « temps d’un instant » et va ainsi se retrouver ressourcé pour pouvoir à nouveau se préparer à faire face au monde et continuer son chemin de vie.

Aborder la prévention avec l’appui de la sophrologie, c’est s’inscrire dans une prévention personnalisée, propre à une personne donnée, à un moment donnée, dans un contexte donné.

Médicalement, nous avons appris à définir les pathologies susceptibles d’entrer dans le champ de la prévention, les pathologies cancéreuses avec leurs composantes génétiques, comportementales (tabac – alcool, toxiques alimentaires et environnementaux), les pathologies cardio-vasculaires liées à une mauvaise alimentation, au tabagisme, les pathologies dues au bruit, à la sédentarité, au stress… Cela a permis de définir des grands axes de prévention qui passent par l’information et l’incitation à ne pas fumer, à boire modérément, à avoir une activité physique adaptée et des examens réguliers.

Seulement, dans notre pratique courante, nous sommes amenés à prendre conscience qu’au-delà de cette connaissance théorique, la mise en pratique est parfois difficile. On peut savoir qu’il vaut mieux ne pas fumer, boire et manger modérément ; on peut en accepter l’idée et ne pas être en mesure de l’accomplir et malheureusement rajouter un sentiment d’échec à un vécu déjà difficile.

Autre exemple : en ce qui concerne l’intérêt d’une activité physique pour la prévention des pathologies cardio-vasculaires et métaboliques, nous sommes confrontés à la réalité objective de la disposition naturelle propre à chacun à se mobiliser dans une activité physique appropriée. Des extrêmes bien connus des sédentaires par nature qui auront beaucoup de mal à se forcer à bouger d’une façon régulière et efficace, aux sportifs addictifs à leur activité qui vont s’user prématurément par une pratique excessive, il y a un juste milieu qui ne se définira que par une démarche personnelle de connaissance de soi et de travail sur soi.

Il en est de même pour l’alimentation. Si nous savons avec certitude qu’une alimentation trop riche va favoriser les pathologies métaboliques et cardio-vasculaires, nous observons également que certaines personnes s’accommodent bien mieux que d’autres d’une même alimentation « riche ». Si nous pouvons préciser quelques critères de base d’une alimentation équilibrée, nous savons aussi que dans ce domaine plusieurs écoles s’affrontent et que, à quelques années d’intervalle, la vérité d’un moment est remplacée par une autre « vérité ». C’est ainsi que phénoménologiquement, il devient plus juste de penser qu’il n’y a pas de vérité absolue qui puisse être appliquée mais des vécus particuliers à un moment donné et susceptibles de se transformer pour devenir d’autres vécus qui ne seront justes que pour la personne en train de les vivre dans le moment. Si l’on rajoute à cela les vécus différents, les uns des autres, au sein d’un groupe, on est amené à prendre la mesure de la complexité potentielle du phénomène prévention, et de la dimension unique individuelle de la prévention pour chaque individu. Du petit mangeur qui prend le risque d’être dénutri au gourmand qui prend le risque des pathologies de surcharge, il y a autant de tableaux originaux, de façon de s’alimenter, que de personnes. La sophrologie va proposer de dépasser les jugements établis, de les mettre entre parenthèses afin de permettre à la personne de se dire dans sa spécificité et son originalité, de s’y reconnaître, de s’y accepter, ce qui favorisera le processus d’adaptation et de transformation.

Qu’en est-il de la prévention des effets du bruit ?

Ce problème est en effet actuellement en pleine expansion du fait de l’évolution des habitudes acquises d’écouter la musique à une intensité sonore dangereusement croissante pour l’oreille interne. Et pourtant, les jeunes aiment ça ! Spontanément, ils s’inscrivent dans ce processus et ont tendance à n’y mettre un terme qu’après avoir dépassé les limites physiologiques de tolérance. Le corps est ainsi fait qu’il peut y avoir une altération organique des fonctions auditives sans douleurs associées. La douleur, quand elle existe, fait office de signal d’alarme, et peut ainsi enclencher un mécanisme préventif des méfaits annoncés. Il va s’agir d’accepter d’écouter la musique moins fort avec ce que cela comporte d’expérience de renoncement. La jeune personne qui vit cela n’est pas forcément prête à cela. Elle peut donc enclencher un vécu de colère, de révolte qui vont aggraver le processus.

S’il est naturel de se révolter contre la douleur, l’autorité, la frustration, l’injustice, … l’expérience nous enseigne que la révolte peut accentuer, aggraver le processus lésionnel.

Un autre domaine de la prévention est : la fatigue.

La fatigue est à la fois une pathologie à traiter et un signal d’alarme qui prévient d’une évolution vers une pathologie plus grave. Oui, bien sûr, il est cohérent d’informer que lors d’une fatigue ressentie au volant il vaut mieux s’arrêter ; ce n’est pas pour autant que la personne va être prête à mettre en place cette mesure telle qu’elle peut se trouver prise dans des exigences contradictoires. Le travail va probablement consister dans ce cas à aller revisiter le mécanisme intime de fonctionnement de la personne dans sa particularité et de l’accompagner vers un réaménagement.